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dimanche 15 juillet 2012

Pierre Laurent : " Maintenant ce qui va compter ce sont les actes..."

Pierre Laurent, secrétaire national du PCF, tire de premiers enseignements un mois après l’arrivée de la gauche 
au pouvoir et appelle à la mobilisation sociale et citoyenne pour surmonter tous les obstacles au changement.

Quel regard portez-vous sur le premier mois d’exercice du pouvoir de la gauche ?

Pierre Laurent. Nous n’avons plus affaire à la droite agressive et méprisante qui a dirigé le pays pendant cinq ans. Des millions de salariés le ressentent. Le climat de la conférence sociale en témoigne. Mais devant les urgences, ce qui compte maintenant ce sont les actes. On voit avec PSA que l’heure de vérité est déjà là. Or les premières mesures du gouvernement sont marquées par les contradictions du projet présidentiel, entre une volonté déclarée de justice sociale et de croissance nouvelle et un discours sur la rigueur qui endosse les habits de l’austérité budgétaire européenne.

Trois grands défis ont été fixés par Hollande : le redressement des comptes publics, la compétitivité, le chômage et la précarité. Cette hiérarchie est-elle adaptée à la situation ?

Pierre Laurent. Non. Il y a erreur de diagnostic sur la dette et les déficits. La dépense publique continue d’être désignée comme la cause des déséquilibres et les coupes budgétaires comme la seule voie à suivre. Cette orientation ne résout rien. Elle a déjà nourri l’augmentation du chômage et de la précarité. Il faut changer l’ordre des priorités. La création d’emplois bien rémunérés et utiles répondant aux besoins du pays doit être au cœur de l’action publique. La réponse aux urgences sociales doit devenir le moteur d’un nouveau type de développement social et écologique. Le financement de l’économie, du développement industriel et des services publics doit être au service de cet objectif. La capacité du gouvernement à prendre en compte les propositions venant de toute la gauche, de toutes les forces sociales et syndicales sera décisive. Car le projet présidentiel ne se donne pas pour le moment les moyens de la réussite.

Le Medef est à l’offensive concernant la flexibilisation du travail et des licenciements, comment la gauche doit-elle réagir ?

Pierre Laurent. Sous Nicolas Sarkozy, le pouvoir était au service du Medef. Ce dernier se remobilise pour imposer ses critères de compétitivité et d’austérité comme la seule politique possible. Il entend obtenir du gouvernement et des forces sociales un consensus autour de ses dogmes. Le rôle de la gauche est de riposter et d’aider à basculer le rapport de forces en faveur des salariés car ce sont eux qui ont voulu le changement. Si le pouvoir reste dans les mains des actionnaires, les dés du dialogue social sont pipés. Il faut donc donner de nouveaux droits aux salariés et aux syndicats. Le gouvernement doit se placer du côté des salariés. Regardez chez PSA. Quand il reste muet, les actionnaires frappent d’autant plus fort. Le gouvernement doit refuser un plan qui saigne l’industrie et convoquer immédiatement une table ronde pour élaborer des stratégies industrielles alternatives. Nous le disons clairement : pour sortir de la crise, sortons de l’austérité. La relance des salaires, un moratoire sur les licenciements, l’interdiction des licenciements boursiers, la création d’un pôle public bancaire et financier, la relance des services publics sont des solutions plus efficaces à la crise que celles aujourd’hui annoncées. C’est dans ce sens-là que nous voulons peser sur la politique gouvernementale et que nous lançons une carte pétition que nous ferons signer tout l’été.

Le gouvernement déclare vouloir « faire évoluer notre modèle social pour mieux le garantir ». Dans quelle direction faut-il aller ?

Pierre Laurent. Le modèle social a été systématiquement attaqué par le précédent gouvernement. Le contrat à durée indéterminée est marginalisé et la précarité installée, le niveau de la rémunération est dégradé, les garanties collectives menacées, le droit à la retraite et à la santé mis en cause… Dans ces conditions, la question est de reconstruire des garanties collectives dans tous les domaines, et pour l’ensemble des salariés. Cela passe par la sécurisation de l’emploi et de la formation tout au long de la vie, la reconquête d’une véritable protection sociale, une grande ambition pour les services publics qui sont des piliers de notre modèle social solidaire. Face à un patronat extrêmement agressif, le gouvernement doit s’engager clairement.

Pour les jeunes, particulièrement touchés par le chômage, deux mesures seront mises en place : les emplois d’avenir et le contrat de génération. Quel regard portez-vous sur ces réponses ?

Pierre Laurent. Les emplois d’avenir, qui peuvent répondre à des besoins sociaux réels dans les quartiers, ne peuvent être que transitoires quand nous avons besoin d’emplois pérennes et qualifiés. Quant aux contrats de génération, leur financement repose sur de nouvelles exonérations de cotisations sociales. Cette logique, nous le savons, est contre-productive. Il faut cesser de considérer que la réponse systématique à l’emploi des jeunes est le sous-emploi et la précarité. Ils veulent à juste titre des emplois stables et correctement rémunérés.

Hollande annonce vouloir concilier compétitivité et justice, son ministre de l’Économie affirme qu’il ne faut pas alourdir le coût du travail. Selon vous, le diagnostic sur lequel ils se fondent est-il le bon ?

Pierre Laurent. Nous récusons l’impératif de compétitivité tel qu’il est défendu par le patronat. La thèse du coût du travail qui consiste à penser que la seule manière de développer les emplois et l’appareil productif est de faire pression sur les salaires et la protection sociale conduit à l’explosion du chômage et de la précarité. En dix ans, avec cette logique, nous avons perdu 700 000 emplois industriels. La CGT a raison quand elle demande la remise à plat des 170 milliards d’euros d’exonération de cotisations sociales et fiscales accordées aux entreprises. Une évaluation de ces politiques est nécessaire pour s’orienter vers une meilleure utilisation des fonds publics et des richesses créées par l’entreprise.

Vous appelez à la mobilisation contre le pacte budgétaire européen, pourquoi ?

Pierre Laurent. Le président de la République a reconnu, dans sa campagne, qu’il ne pouvait y avoir de politique de changement et d’inversion des logiques d’austérité sans une renégociation du traité Sarkozy-Merkel. Ce pacte budgétaire impose l’austérité à tous les pays européens. C’est un pacte anti-dépenses publiques, anti-dépenses sociales et anti-souveraineté. Or, à l’issue du sommet européen de juin dernier, aucune modification n’y a été apportée. L’annexe, non contraignante, qui a été adoptée sur la croissance n’est en rien un contrepoids à ce pacte. Nous nous adressons donc à tous les parlementaires de gauche sans exception, à tous ceux qui en votant pour François Hollande et la majorité de gauche à l’Assemblée nationale ont souhaité la renégociation de ce traité. Nous leur disons : vous ne pouvez pas accepter un traité qui n’a pas été modifié, qui nous liera les mains et empêchera les politiques de changement attendues par la majorité des Français. Le pays doit être informé du contenu et des conséquences de ce traité. Nous demandons un débat démocratique transparent et, à l’issue de celui-ci, une consultation des Français par référendum. Aucun parlementaire de gauche ne doit accepter la ratification parlementaire de ce texte sans que cette consultation n’ait eu lieu.

Les députés du Front de gauche se sont abstenus sur le vote de confiance à Jean-Marc Ayrault qui va présenter son projet de loi de finances rectificative pour 2012. Quelle est votre appréciation de ce plan ?

Pierre Laurent. Les motivations de notre abstention sont claires. Toutes les mesures qui iront dans le sens de la justice sociale, d’une relance efficace de l’activité et du recul des privilèges et des pouvoirs de la finance auront notre appui. Pour la même raison, nous n’en rabattrons pas sur notre exigence de voir le gouvernement répondre aux urgences sociales et s’en donner les moyens. Nous ne demandons pas l’impossible mais ce qui nous paraît indispensable pour inverser le déclin actuel de l’économie et du pays et réussir une politique de changement. Par exemple, les nouvelles recettes fiscales proposées se montent à 7 milliards. Or je rappelle que, lors du débat budgétaire de l’automne 2011, la majorité de gauche au Sénat a voté un ensemble de mesures permettant de récupérer 30 milliards d’euros. Pourquoi ce qui était alors possible ne le serait plus aujourd’hui ?

Selon différents sondages, 67 % des Français seraient prêts à faire des efforts pour redresser les comptes du pays, et même 85 % approuveraient le gel des dépenses de l’État pour trois ans. Pensez-vous que le fatalisme gagne du terrain ?

Pierre Laurent. Attention aux sondages qui prétendent figer l’opinion des Français ! Il y a en réalité un débat important parmi les salariés. L’exigence de changement est très forte et cohabite avec le sentiment que des contraintes s’imposent à nous et nous empêchent de le réaliser. La campagne du Front de gauche a montré que les lignes de ce débat pouvaient bouger. Le candidat François Hollande a été conduit à affirmer la nécessité de rompre avec les politiques d’austérité pour favoriser la croissance et renégocier le pacte budgétaire. Aujourd’hui, le bras de fer entre les forces du changement et les forces qui s’accrochent aux dogmes libéraux s’intensifie de nouveau. Notre travail passe par une bataille politique et idéologique pour convaincre que ces contraintes sont, en fait, des dogmes qui font obstacle à la sortie de crise.

Des débats animent le Front de gauche sur le positionnement à adopter face au gouvernement et à la majorité socialiste. Où en êtes-vous et comment, pour vous, faire réussir la gauche ?

Pierre Laurent. Oui, le débat existe. Il porte sur la possibilité ou non d’obtenir la réalisation de changements dans la situation politique actuelle. Les contradictions du programme de Hollande rendent-elles impossibles des avancées sociales et démocratiques ou les lignes peuvent-elles bouger ? Je suis persuadé que tous nos efforts doivent être tendus vers la mobilisation des forces sociales et citoyennes qui ont voulu le changement pour obtenir des avancées significatives. Il faudra pour cela mobiliser des majorités d’idées et d’action. C’est pourquoi le Front de gauche doit, selon moi, s’adresser, à l’ensemble des forces que nous avons mises en mouvement dans l’année écoulée et, au-delà, à l’ensemble des forces et des électeurs de gauche.

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