LE BLOG DES COMMUNISTES DE ROMAINVILLE

lundi 2 janvier 2012

Agglomération parisienne : gouvernance ? Institutions ? (une contribution de Robert Clément)

Chose promise, chose due. J’exprime mon point de vue sur l’organisation du territoire et la nouvelle étape de la décentralisation qu’il convient d’engager. Dans le pacte territorial adopté par le Conseil communautaire, on peut lire :
« Est Ensemble engagera aussi la réflexion pour participer pleinement à la réorganisation institutionnelle générée par l’émergence du fait métropolitain et du Grand Paris, et être ainsi un territoire moteur du polycentrisme (*) ». Il est écrit par ailleurs : « L’importance de la communauté d’agglomération Est Ensemble en fait une COLLECTIVITÉ TERRITORIALE qui compte dans le fait métropolitain ». Loin de moins l’idée de nier la place d’Est Ensemble, mais de là à parler d’une collectivité territoriale, il y a un pas, que ne franchirai pas.

Depuis plus de vingt ans tous les gouvernements qui se sont succédé ont eu une seule obsession : Comment adapter le paysage institutionnel français à une construction européenne soumise à la suprématie des marchés financiers ? Comment faire des collectivités locales des relais les plus performants possibles d’une politique de régression ? Comment mieux rentabiliser la manne financière que constituent leurs dépenses ?

Les sommets auront été atteints avec la loi constitutionnelle votée en mars 2003. Elle a été pour Raffarin la « mère de toutes les réformes ». Elle va bouleverser la vie quotidienne des habitants en étant à l’origine de l’asphyxie financière que connaissent aujourd’hui les collectivités locales, en premier lieu les départements.

La réforme Sarkozy-Fillon, votée en 2010 est, quant à elle, une machine infernale contre la République, la démocratie, les services publics et la souveraineté de notre peuple : Constitution de féodalités, avec des super-régions et des métropoles. Suppression progressive des communes et, à terme, des départements transformés, avant leur disparition, en relais dociles d’un Etat qui commande tout. Cette réforme doit être abrogée dans sa « totalité ». Ce devrait être l’une des premières mesures d’une nouvelle majorité politique en 2012.

Si la « gauche », dans sa diversité, est unanime pour se prononcer sur une réforme de l’Etat et un nouvel acte de la décentralisation, les choses deviennent plus floues lorsqu’il s’agit d’énoncer des propositions concrètes. François Hollande indique « qu’il faut en finir avec une superposition d’échelons ». Europe Ecologie les Verts est plutôt favorable à une Europe des régions. Les intercommunalités devraient être élues au suffrage universel, mais, sur une liste spécifique selon certains dirigeants du Parti socialiste. Bref, il est temps que tout soit mis sur la table. Nos concitoyens doivent savoir.

J’en arrive aux questions qui concernent notre région. Le terme de « Grand Paris » ne me convient pas. Il peut faire ressurgir dans l’imaginaire un passé, où l’arrogance et la domination de la capitale à l’égard de ses « voisins » ont été totales. Ce n’est sans doute pas un hasard, si le syndicat mixte regroupant 196 collectivités territoriales a pris le nom de " Paris-Métropole ".
Créé en 2009, il a choisi la coopération pour élaborer des positions communes sur les déplacements, le logement, la solidarité financière… Pourtant, certains pensent qu’il faut
maintenant entrer dans l’ère d’une nouvelle « gouvernance » de la métropole parisienne pour améliorer les conditions de vie des franciliens et répondre à l’exigence démocratique. Utilise-t-on ce terme de « gouvernance », par ailleurs mis à toutes les sauces, parce qu’il ne se substitue pas au gouvernement tel qu’on le conçoit classiquement ?
Parce qu’il sert à désigner le mode ou la manière de gouverner tandis que le gouvernement renvoie aux institutions, aux dirigeants ? D’autres comme le maire de Sevran ou des Pavillons sous bois, rejoints en cela par le Medef, semblent être orphelins du département de la Seine, en proposant de regrouper Paris et les départements de la petite couronne. Puis, c’est Jean-Marie Le Guen qui déclare en octobre 2010 : « Il faut mettre en œuvre une vraie solidarité financière dès 2012 au niveau de l’agglomération et installer un Conseil du Grand Paris élu au suffrage direct avant 2020 ».

Ainsi, pour certains il y aurait trop de communes, les départements devraient être supprimés pour les uns, confortés pour les autres. Paris et sa petite couronne devrait s’organiser de manière spécifique, en ignorant les autres territoires qui participent pleinement au développement de la Région. Cette dernière devrait laisser une partie de sa puissance au profit de communautés d’agglomération, ou au contraire être renforcée dans son rôle.

Ainsi, d’aucuns-e-s mettent leurs espoirs dans un « grand soir institutionnel » pour réparer les forts déséquilibres et les profondes inégalités sociales dont souffre notre région. Ce n’est pas mon point de vue. Sans en sous estimer la portée, l’essentiel pour l’avenir de l’Île de France n’est pas d’abord la question institutionnelle. En rester là, serait tout aussi mortifère que le statu quo.

Je suggère de prendre les choses à l’endroit. Cela signifie, mettre au cœur de la réflexion, ce qui fait la vie quotidienne des franciliens : le logement, l’emploi, les transports, la formation et penser une nouvelle étape de la décentralisation en incluant l’Île de France, avec ses spécificités.
D’autant que Sarkozy s’occupe de « Son Grand Paris ». Dans tous les domaines, transports, logement, développement économique : sa ligne de conduite est de satisfaire les marchés financiers. Il rêve d’un Grands Paris branché sur Bruxelles et faisant la pige au « Grand Londres » et à Francfort. La loi spécifique de juin 2010 apporte des changements profonds. La création du « Grand Paris Express » est d’abord un projet qui consacre l’idée d’une métropole financière de rang mondial. Sa construction et la mise en œuvre des contrats de développement territorial sur les sites des futures gares sont confiées à la « société du Grand Paris » dans laquelle l’État est majoritaire. Il y a donc nécessité pour les collectivités territoriales de coopérer, de s’organiser pour faire valoir les intérêts des citoyens, avant ceux de la finance.

Quelles sont les exigences que devrait porter une réforme de l’État et un nouvel acte de la
décentralisation ?

1/ C’est d’abord plus de droits et de moyens aux élus locaux, de nouveaux pouvoirs d’intervention pour les citoyens, les salariés, les forces économiques, sociales et culturelles.
La démocratie sera réellement participative si les citoyens sont véritablement associés à la définition et au contrôle des politiques décidées.

2/ La nécessité de démocratiser l’État, de trouver une meilleure articulation avec les collectivités territoriales ne signifie pas un État minimum. Il doit rester le garant de la cohésion sociale sur tout le territoire et permettre l’égalité des droits fondamentaux pour toutes les citoyennes et tous les citoyens. Quitte à paraître pour un horrible centralisateur, je suggère que l’État assure à nouveau le versement des allocations aux bénéficiaires du RSA. De la même manière, l’autonomie des personnes âgées dépendantes devrait être inscrite comme un droit, au même titre que le droit à la santé ou à la retraite. C’est la 5ème branche de la sécurité sociale.

3/ Je redis ici, mon attachement aux trois niveaux de collectivités, y compris en Île de France. Arrêtons de se laisser « balader » par ce faux débat sur un soit disant « mille feuilles » ou une « superposition d’échelons ». Notre attachement à l’article 72 de la constitution sur la libre administration des collectivités territoriales doit être réaffirmé. De même que le maintien de la compétence générale pour les communes, Départements et Régions.

4/ Les structures intercommunales tiennent une place de plus en plus importante dans l’organisation du territoire. Parce qu’elles ne sont pas de simples prolongements de pouvoirs communaux, elles doivent être recentrées sur des projets communautaires. Aujourd’hui, pour une grande majorité de nos concitoyens, leurs actions apparaissent lointaines et peu visibles. Une démocratisation de ces structures s’impose donc. Elle passe par leur élection au suffrage universel. Les citoyens auront la possibilité de se prononcer sur des projets clairement identifiés et sur les équipes chargées de les mettre en œuvre. Quant au mode d’élection, ma préférence va à un système de fléchage lors du scrutin municipal. Il permet de choisir les conseillers communautaires parmi les conseillers municipaux. Ne jouons pas au plus fin, élire les intercommunalités sur une liste unique, c’est élire un(e) super Maire et condamner à terme, les communes à devenir de simples bureaux d’État civil.

5/ Il est urgent de mettre en chantier une véritable réforme des finances locales. C’est d’abord s’opposer à ce serpent de mer qu’est la spécialisation de l’impôt par collectivité. Le principe de plusieurs impôts est une sécurité financière indispensable. Le calcul de la taxe d’habitation doit prendre en compte les revenus. À l’heure où les dividendes des actionnaires explosent la taxation des actifs financiers reste plus que jamais d’actualité.
Enfin les critères servant de calcul aux péréquations doit être remis à plat, afin que soient intégrés les revenus des habitants, les dépenses sociales, mais aussi les situations particulières auxquelles régions, départements et communes sont confrontées.
S’agissant du cœur de l’Île de France, on peut procéder à une meilleure répartition des richesses, par exemple en mutualisant les droits de mutation ou par une péréquation plus efficace. Cela étant, il serait vain de s’en tenir au partage d’un « gâteau » plus équitable.. L’agglomération parisienne est une mégapole internationale. L’État se doit d’intervenir notamment dans les domaines des transports, du logement, du renouveau industriel et technologique.

En conclusion, le fait métropolitain dans l’agglomération parisienne ne saurait se réduire à Paris et aux trois départements qui l’entourent. Il englobe toute l’Île de France.
C’est pourquoi l’organisation des compétences me paraît essentielle pour affirmer le rôle que doit jouer la région. Prenons l’exemple du logement. En Île de France le levier essentiel reste le foncier et son coût spéculatif. Pourquoi faudrait-il attendre une hypothétique nouvelle « gouvernance » pour intervenir ? Une agence nationale foncière, décentralisée au niveau de la région et dotée de fonds d’intervention pourrait agir contre la spéculation et pour la maîtrise des sols. Aujourd’hui syndicat mixte, pourquoi « Paris Métropole » ne serait-il pas demain un véritable outil stratégique dans la conduite des grands projets ? Il y aurait encore beaucoup à dire, mais il est temps de laisser la place au débat. Sans détours ni tabou.

Robert Clément

(*) Polycentrisme : Existence de plusieurs centres de direction, de décision, dans une
organisation, un système. (Le petit Larousse)

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