LE BLOG DES COMMUNISTES DE ROMAINVILLE

mardi 27 septembre 2011

Lettre à mon camarade socialiste . En quoi la primaire socialiste propage une politique tournée vers le bipartisme.

Nous publions cette tribune de Jean-Claude Lagron, ingénieur à l'université d'Orsay, parue le lundi 26 septembre dans "l' Humanité" sous le titre "lettre à mon camarade socialiste. En quoi la primaire socialiste propage une politique tournée vers le bipartisme".
"Tu m’as proposé de participer à la primaire organisée par ton parti pour désigner votre candidat à l’élection présidentielle. Je t’en remercie, mais je ne puis répondre favorablement à ton invitation. Je dois cependant admettre que vous avez réussi un joli coup. Avec cette primaire, la complicité des grands médias vous est acquise, car la réélection du président candidat de la droite est très loin d’être assurée. Après cinq ans d’allégeances, cette incertitude suscite déjà dans leurs rangs de petites audaces de fin de règne… et des perspectives de redistribution des places. Je ne puis répondre positivement à ta sollicitation, tout d’abord parce qu’il s’agit de désigner votre candidat à l’élection présidentielle alors que celui que je soutiendrai au premier tour sera celui du Front de gauche. En toute honnêteté intellectuelle, je ne vois pas sur quels critères je pourrais prendre ma place dans un choix qui concerne vos adhérents et vos sympathisants. Comme me l’enseigne votre programme commun interne, mes ambitions me semblent différentes des vôtres. Devrai-je choisir celui ou celle qui s’avérerait être le plus proche de mes convictions ? Il en resterait très éloigné, pas tant dans les propos qu’il pourrait tenir dans ce débat primaire pour se démarquer de ses camarades concurrents, mais dans la politique qu’il mettrait en œuvre en arrivant au pouvoir en tant que président d’un parti qui n’a pas la volonté de s’attaquer aux racines du mal qui ronge le monde actuel. Mon refus de participation s’appuie aussi sur les aspects institutionnels de la grave crise de la représentation politique dans les démocraties occidentales. Je comprends parfaitement que vous ayez l’ambition de tout faire pour occuper l’espace médiatique pour faire gagner votre candidat. Mais est-ce seulement de cela dont il est question ? Certes, la force du spectacle médiatique peut entraîner aux urnes comme pour un vote dans une émission de télé-réalité. Mais, les enquêtes le montrent, l’électeur n’est pas dupe du jeu, puisqu’il ne se fait aucune illusion sur les effets de son vote pour changer sa vie et pour apporter des réponses aux besoins de la société. Votre primaire s’inspire et propage les modèles américain et anglo-saxon, qui éliminent de la scène toute force politique qui ne s’inscrit pas dans l’idéologie dominante. Elle pousse plus loin encore les dérives monarchiques de la présidentialisation, alors que ce qui ronge nos démocraties c’est l’extrême centralisation des pouvoirs, en laissant croire au peuple qu’il serait acteur de son avenir alors qu’il n’est convoqué que pour choisir le prince qui décidera de tout. En quoi ces systèmes politiques et institutionnels sont-ils pertinents pour répondre aux enjeux actuels ? On voit au contraire où ils mènent, tant aux États-Unis qu’en Europe. Je ne souhaite pas que mon pays s’engage dans cette voie. Le bipartisme est un drame pour les sociétés qui le vivent. Je ne saurais donc cautionner cette stratégie. Si, pendant des décennies, la gauche a été porteuse d’espoir pour des millions de Français, de déception en déception, elle a perdu cette crédibilité. On ne peut tricher durablement avec l’espoir déçu. Ce qui me semble déterminant aujourd’hui pour la gauche, ce n’est pas de sombrer plus encore dans la facilité du renoncement ou de se mouler dans le bien-pensant dominant au gré des sondages d’opinion. C’est au contraire d’ouvrir des alternatives à l’hégémonie idéologique et politique des puissances financières qui dévastent le monde et la planète. C’est à ce prix que la gauche regagnera l’engagement et la confiance des Français. Dans le tintamarre actuel, Jaurès aurait peut-être dit : « N’ayant pas la force d’agir ils dissertent. »

jean-claude lagron

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